L’essor des cryptoactifs, comme le bitcoin, soulève des questions économiques et géopolitiques cruciales. Pour Donald Trump, leur essor crée un véritable dilemme : encourager le bitcoin, au risque de fragiliser le statut du billet vert comme réserve mondiale, ou freiner son adoption pour préserver l’hégémonie du dollar.
Le bitcoin et la souveraineté monétaire américaine
Le bitcoin, monnaie décentralisée, se pose en solution de rechange au dollar. Cet « or numérique » est limité, sécurisé, infalsifiable, ouvert, public, pseudonyme et résistant à la censure. Pour plusieurs, ces qualités surpassent de loin celles de l’or physique.
Une adoption massive du bitcoin réduirait la demande mondiale de dollars, remettant en cause son rôle dans les échanges internationaux. Cela affaiblirait aussi la capacité des États-Unis à financer leur dette publique et à maintenir leur influence géopolitique.
Autrement, une approche favorable au bitcoin pourrait renforcer les États-Unis en tant que leader en innovation technologique. Une politique d’ouverture pourrait attirer des investissements et positionner le pays comme un « hub mondial » pour les technologies liées à la blockchain et aux cryptoactifs. Le fait de réglementer le bitcoin intelligemment pourrait donc permettre aux États-Unis de tirer parti de son potentiel, tout en préservant une forme de contrôle sur cette évolution.
Ainsi, le dilemme est bien présent !
La grande cryptoséduction de Trump
Connu pour son pragmatisme économique, Trump a jadis exprimé ses réserves sur le bitcoin, le qualifiant d’actif « fondé sur du vent », affirmant au passage que la meilleure monnaie demeure le dollar. Mais lors de la récente Nashville Bitcoin Conference, il a fait volte-face en promettant la fin de la « guerre anticrypto » de joe Biden. Il s’est aussi entouré dans la dernière année de figures procrypto phares, telles que Robert F. Kennedy Jr., James David Vance et David Sacks (PayPal).
Trump paraît également motivé par l’opportunité économique qu’offre le bitcoin. En soutenant les cryptoactifs, il espère redonner du pouvoir aux Américains pour acheter, détenir personnellement et innover dans ce domaine d’affaires florissant.
Bien qu’aucune étude ne puisse encore le confirmer, son récent changement de cap procrypto semble avoir rallié une partie significative de l’électorat aux dernières élections ; ce qui aurait séduit de nombreux Américains, parmi les 50 millions détenant des cryptomonnaies1.
Adoption du bitcoin : l’incontournable effet domino
La sénatrice américaine Cynthia Lummis est à l’origine d’un projet de loi intitulé BITCOIN Act, visant à établir une réserve stratégique avec l’objectif d’acquérir un million de bitcoins en cinq ans. En constituant une telle réserve, les États-Unis pourraient mitiger la dévalorisation du dollar, affaibli par l’augmentation constante de sa masse monétaire et les interventions répétées de la Réserve fédérale américaine.
Réglementer le bitcoin pour garantir une transparence monétaire, tout en permettant à l’économie américaine d’innover dans ce domaine, renforcerait également leur position stratégique face à la coalition dissidente et montante des BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud, parmi bien d’autres), qui cherchent ouvertement à s’affranchir du dollar américain comme réserve monétaire mondiale.
À titre informatif, des pays comme le Salvador et le Bhoutan ont déjà adopté des approches audacieuses vis-à-vis du bitcoin. Plusieurs pays considèrent l’ajout de bitcoins à leur réserve stratégique. Et aux États-Unis, 13 États, Pennsylvanie et Texas en tête, envisagent de créer leur propre réserve stratégique de bitcoins.
En conclusion
Le dilemme entre dollar américain et bitcoin ne concerne pas uniquement Trump, mais aussi l’ensemble de l’élite économique et politique mondiale. Selon Fidelity, théorie des jeux oblige, les pays adoptant le bitcoin en amont gagneront un avantage stratégique, forçant les autres à suivre en aval.
La question n’est donc pas de savoir qui sera le premier, mais qui ne sera pas le dernier…
Trump semble vouloir saisir l’opportunité de réorienter les États-Unis vers ce paradigme économique, réalisant que lutter contre le bitcoin serait au final un combat perdu d’avance. Trouver un équilibre entre innovation technologique et préservation de la souveraineté monétaire demeure un défi fort complexe pour les États-Unis.
Il est plus clair que jamais pour les États-nations qu’un changement de cap sera inévitable. Comme le disent si bien les Américains : « If you can’t beat them, join them ».
Lettre cosignée par : David St-Onge, Mélissa Fortin, Louis-Philippe Bellier, Jérôme LeBel, Jean-Sébastien Brault-Labbé, Charles Robert, Frédéric Dumouchel et Jacob Roy (tous participants à un groupe de réflexion portant sur la chaîne de blocs et les cryptoactifs, nommé « Les Déchaînés »)