Il y a des trajectoires dans la vie qui s’opèrent à 90 degrés. Celle de Julien Geffray en fait partie. La voie professionnelle de ce natif de Plaudren était toute tracée : il avait fait de belles études, était devenu ingénieur et était rentré dans la finance à Paris. « Je gagnais bien ma vie ».
« J’étais programmé pour être riche »
Et puis, ce petit-fils d’un bûcheron et d’un maçon s’est posé la question :
« Je vivais un peu la tête dans le guidon et je n’étais pas certain de pouvoir accorder du temps à la construction d’une famille ».
Et puis, qu’allait-il offrir à son fils, Armel : un compte en banque bien rempli ou de quoi lui permettre de prendre son destin en main ?
Le réchauffement climatique
La trentaine approche et le monde qui s’ouvre à Julien ne lui sied pas. Celui qui conduit tout droit vers un réchauffement climatique qu’il veut combattre.
Après un break professionnel, il décide de revenir en Bretagne chez lui et se lance un défi un peu fou : construire la maison de ses rêves ; celle qui aura le moins d’impact possible sur son environnement. Avec sa compagne Fabienne, ils tombent sous le charme d’un village (Manétélam) à deux kilomètres de Baud. Là, deux trois bâtiments, anciens corps de ferme, menacent de s’écrouler.
L’intellectuel va devoir se retrousser les manches. « Je suis parti de rien. »
Fort heureusement, son pilier, son papa André, très bricoleur lui, sera son guide. C’est le monde à l’envers : « il n’avait pas pu faire d’études. J’en avais suivi pour lui. Et au final, c’est moi qui avais besoin de ses connaissances. »
« Je veux être un faisou et non un disou »
Comme il le dit si bien. « Je veux être un faisou et non un disou ». Sauf que tout ne va pas se passer comme il l’imagine.
Pour glaner ses premières connaissances en matière de construction, Julien se tourne vers le réseau d’entraide pour un habitat écologique baptisé Twiza. Un réseau dans lequel des chantiers participatifs sont organisés afin que les membres apprennent ensemble comment concevoir la maison de demain.
Et en 2021, Julien démarre son chantier avec l’ambition de réhabiliter un bâtiment aux deux façades qui tiennent à peine debout. C’est le temps des premières rencontres, des premières pratiques, des premières expériences. « Mais au fil du chantier, je me suis aperçu que les travaux allaient être colossaux ». Surtout, Julien qui ne travaille plus pour se consacrer entièrement à ce projet de vie, n’a pas forcément les moyens financiers de ses ambitions.
« Je voulais faire une maison de 120-150 m2. Ça ne collait pas vraiment avec mon discours. Pourquoi construire si grand ? ».
« Je veux apprendre pour transmettre »
À un moment donné, l’idée de « tout revendre » lui effleure l’esprit. Mais finalement, Julien décide de jeter son dévolu sur un autre bâtiment dont l’ossature est plus saine. « Seul le premier étage sera aménagé ; on diminue de moitié la surface initiale ! » Après tout, « il est plus raisonnable de s’arrêter au strict nécessaire ».
L’apprenti dans tous les corps de métier fait quand même appel à plusieurs artisans du secteur. Mais à chaque fois, il leur fait part de sa condition : « que je puisse être leurs petites mains et qu’ils prennent le temps pour m’expliquer leurs pratiques ».
Parce que c’est comme cela, « et pas autrement » que Julien conçoit son projet de vie. Avide d’apprendre toujours et encore. D’apprendre pour transmettre ensuite. « Je fais forcément des erreurs mais j’en tire les leçons. Et cela me permet ensuite de passer le mot aux autres lors de nos chantiers d’entraide ».

Être en autonome en eau
Dans sa conception, la maison de Julien lui ressemble forcément. Le moindre matériau utilisé est bien réfléchi. Et forcément respectueux de l’environnement. De l’enduit chaux chanvre pour bien isoler, du bois d’à côté pour sa terrasse, etc.
Et puis il y a la sobriété énergétique, essentielle à ses yeux.
La ressource pour laquelle il veut être entièrement autonome, c’est l’eau.
« Parce que, pour moi, la ressource en eau sera la problématique de demain. »
« En bétonnant comme on le fait encore, l’eau va continuer à s’écouler très vite vers la mer. Elle n’a plus le temps de pénétrer dans la terre », explique celui qui a été jusqu’à concevoir un nouveau talus qui lui a coûté pas moins de 6 000 € en contrebas de son terrain.
Avec quatre cuves enterrées, Julien récupère toute l’eau qui se déverse sur son terrain et sur sa future demeure. Et il prévoit demain de s’équiper d’un système de phytoépuration pour réutiliser ses eaux usées.
Et s’il n’en a pas fait de même, pour l’instant, pour l’électricité, il a conçu son habitat pour en consommer le moins possible : il n’y a pas, par exemple, de volets électriques chez lui. Mais il a pris soin de tirer les gaines pour brancher un système de panneaux photovoltaïques plus tard.
Un verger partagé
Passionné par les arbres fruitiers, celui qui s’est formé à la permaculture, a déjà commencé à concevoir un verger partagé sur une partie de son terrain d’une superficie de 1,5 hectare. « J’ai appris à greffer et je veux transmettre. Je veux que les gens puissent venir ici entretenir le verger et cueillir les fruits à la récolte ».
Demain, il équipera encore son terrain d’une mare. Et continuera à réhabiliter d’autres bâtiments bien mal en point. Jusqu’à l’ancien four à pain. Et s’il y a bien une chose que Julien ne maîtrise pas, c’est le temps. Bientôt quatre ans ont passé. « J’espère que nous pourrons y habiter en fin d’année ».
Sur ce plan-là, de toute façon, on ne le refera pas. « Rencontrer, partager, échanger ne lui fera jamais perdre son temps ». Pour Julien, c’est là que le bonheur se trouve.
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