Dans son discours d’ouverture, Hicham Seffa, président du directoire de la BMCI, a souligné l’importance de la finance durable dans le contexte marocain, rappelant que le pays a adopté une stratégie nationale ambitieuse pour réduire ses émissions de gaz à effet de serre et promouvoir une économie verte. «Le Maroc est bien positionné en Afrique en matière de développement durable. Son ambition dans le domaine des énergies renouvelables doit continuer à servir de modèle», a-t-il affirmé.
Il a également mis en avant le rôle des banques et institutions financières marocaines, qui ont intégré les critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) dans leurs pratiques, conformément aux réglementations en vigueur et aux exigences des marchés financiers.
«Le verdissement de la finance est essentiel. Les financements verts, l’investissement responsable et l’innovation financière sont des outils fondamentaux pour répondre aux enjeux environnementaux et sociaux», a-t-il ajouté.
La BMCI, en tant qu’acteur financier de premier plan, entend jouer un rôle de catalyseur dans cette transformation. Pour cela, la banque s’engage à développer des solutions adaptées aux besoins des entreprises en matière de transition durable, tout en œuvrant à sensibiliser les différents acteurs économiques à l’importance de la finance verte.
«Cette seconde édition du Sustainable Finance Forum vise à promouvoir la finance durable au Maroc, mais aussi à positionner la BMCI comme un référent bancaire en matière d’innovation et de développement durable. Nous souhaitons également favoriser le dialogue entre acteurs publics, privés et institutionnels sur les questions clés de la finance durable», a précisé Hicham Seffa.
Finance durable : un levier clé pour soutenir un portefeuille de 300 milliards de dirhams d’investissements industriels
Intervenant lors du Forum, Ryad Mezzour, ministre de l’Industrie et du Commerce, a insisté sur les atouts du Maroc en matière d’énergies renouvelables et d’industrialisation verte. Il a mis en avant la compétitivité énergétique du pays, qui repose sur une production d’énergie renouvelable à coût réduit.
«Nos ressources sont vertes à la base, ce qui nous permet d’attirer davantage d’investissements dans nos projets renouvelables. Nous pouvons produire de l’énergie renouvelable à un coût compétitif, rendant ainsi nos industries plus performantes et plus respectueuses de l’environnement», a-t-il déclaré. Il a notamment souligné que le Maroc commence à voir émerger des contrats permettant aux industries d’accéder à une électricité 20 à 40% moins chère que les tarifs normaux, renforçant ainsi leur compétitivité sur la scène internationale.
L’un des sujets majeurs abordés a été l’hydrogène vert, un secteur où le Maroc aspire à jouer un rôle central. Selon Ryad Mezzour, la production d’hydrogène vert au Maroc revient à 2 dollars le kilogramme, soit l’équivalent d’un baril de pétrole à 110 dollars, ce qui confère au pays un avantage stratégique majeur.
Par ailleurs, le ministre a rappelé que le Maroc dispose d’un portefeuille signé de 300 milliards de dirhams d’investissements industriels, avec pour ambition de multiplier par 2,5 la valeur ajoutée du secteur dans les quatre à cinq prochaines années. Il a cependant alerté sur les défis liés au financement des projets industriels, soulignant que seuls 10% des crédits relais nécessaires sont actuellement octroyés.
«Le Maroc dispose d’un portefeuille signé de 300 milliards de dirhams d’investissements industriels, mais il y a des goulots d’étranglement dans le processus de financement», a confirmé le ministre.
Un levier essentiel pour les grands chantiers hydriques
Nizar Baraka, ministre de l’Équipement et de l’Eau, a mis en avant la nécessité d’une finance durable pour accompagner la gestion des ressources hydriques, un enjeu stratégique pour le Maroc. «L’eau est une ressource vitale et stratégique, et nous devons adopter des approches novatrices pour mobiliser les financements nécessaires et garantir une gestion efficace et équitable», a-t-il affirmé.
Face aux défis climatiques, économiques et sociaux, la politique nationale de l’eau doit répondre à des objectifs ambitieux fixés par la Vision Royale, notamment garantir 100% d’accès à l’eau potable pour la population urbaine et 80% de l’irrigation, quel que soit le contexte climatique.
Le gouvernement a ainsi augmenté le budget du programme 2020-2027 de 115 à 145 milliards de dirhams, en s’appuyant sur des partenariats public-privé et le soutien des régions, qui ont déjà mobilisé 10 milliards de dirhams. Des projets phares, comme les stations de dessalement de Dakhla et Casablanca, illustrent cette approche.
Des infrastructures durables pour la Coupe du Monde 2030
Chakib Alj, président de la CGEM, a quant à lui mis en avant l’importance de l’intégration des critères de durabilité dans les grands projets d’infrastructure, notamment ceux liés à l’organisation de la Coupe du Monde 2030. «Tous les chantiers de la Coupe du Monde seront construits en intégrant des considérations de durabilité et une empreinte carbone très faible», a-t-il déclaré.
Le développement du ferroviaire, identifié comme l’un des moyens de transport les plus propres au monde, s’inscrit également dans cette volonté de durabilité.
Sur le plan énergétique, le Maroc figure aujourd’hui à la huitième place mondiale de l’indice de performance climatique et vise un objectif de 52% de capacité installée en énergies renouvelables d’ici 2030. Déjà à 44%, le pays pourrait atteindre cette cible dès 2027, avec trois ans d’avance sur le calendrier initial.
35 millions d’euros pour booster la finance verte
Dans le cadre de cette rencontre, la BMCI a officialisé deux nouveaux partenariats visant à promouvoir la finance durable. Le premier accord avec la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD), faisant de la BMCI la première banque marocaine à bénéficier de la ligne «GEFF III». Doté d’une enveloppe de 35 millions d’euros, ce programme de financement vert vise à soutenir les entreprises marocaines dans leurs projets liés à l’énergie durable, à la conservation de l’eau et à la réduction des déchets.
Une nouvelle tranche, «GUEF+», permet désormais des financements allant de 5 à 20 millions d’euros, renforçant ainsi l’impact du programme.
Antoine Sallé de Chou, directeur de la BERD pour le Maroc, a souligné l’importance de cet accord : «La dynamique d’investissement durable au Maroc est très positive, notamment dans les secteurs de l’autoconsommation et des infrastructures liées au dessalement de l’eau. Nous voulons accompagner ces évolutions aux côtés de nos partenaires bancaires comme la BMCI.»
Le deuxième partenariat avec EcoVadis, qui introduit une offre de financement à impact adossée à la notation RSE EcoVadis. Cette initiative vise à encourager les entreprises clientes à améliorer leur impact environnemental et social tout en bénéficiant de conditions financières avantageuses.
Décarbonation : Un levier de compétitivité pour les entreprises marocaines
Lors du panel intitulé «Enjeux de la décarbonation. Quelles opportunités pour les entreprises marocaines ?», Zakaria Soukri, Head of Corporate Banking à la BMCI, a mis en lumière l’importance d’une transition bas carbone bien structurée et adaptée aux besoins des entreprises marocaines. Il a souligné que l’accompagnement des clients dans leurs projets de finance durable ne se limite pas au financement, mais passe aussi par un suivi rigoureux des indicateurs ESG et une implication active des entreprises dès le début du processus. «Il est important de les impliquer dès le début du processus pour partager les meilleures pratiques et les aider à structurer économiquement et financièrement leur démarche de décarbonation», a-t-il affirmé.
Il a également insisté sur l’évolution du rôle des banques qui, autrefois limité à une obligation de moyens, doivent désormais garantir des résultats concrets en matière de transition énergétique. Selon lui, le Maroc dispose d’un cadre propice à cette transformation, avec une vision stratégique forte au plus haut niveau de l’État. Toutefois, il a noté que de nombreuses entreprises perçoivent encore la décarbonation sous un prisme limité, se concentrant principalement sur l’installation de panneaux solaires. «La décarbonation ne se limite pas à l’installation de panneaux solaires. Elle concerne aussi la mobilité, les procédés industriels et l’efficacité énergétique globale», a-t-il précisé.
L’arrivée imminente du mécanisme de taxe carbone aux frontières européennes constitue un enjeu majeur pour les exportateurs marocains, qui devront impérativement intégrer des normes de durabilité pour maintenir leur compétitivité. La BMCI, à travers ses outils de financement spécialisés, se positionne comme un acteur clé pour soutenir aussi bien les grandes entreprises que les PME dans cette transition. «Aujourd’hui, nous disposons d’outils de financement pour accompagner à la fois les grandes entreprises et les PME. Il n’y a plus vraiment de raison de ne pas soutenir la finance durable», a-t-il conclu.
Gestion durable de l’eau : L’engagement structuré du Groupe OCP
Intervenant lors du panel «Pour une gestion durable de l’eau dans un contexte de stress hydrique», Lamia Hosni, représentante d’OCP Green Water, a détaillé la stratégie du Groupe OCP pour répondre aux défis croissants liés aux ressources hydriques. Elle a exposé trois axes fondamentaux qui structurent cette approche : l’optimisation de l’usage de l’eau, l’innovation par la R&D et le développement des sources non conventionnelles.
Le premier levier mis en avant concerne l’amélioration de l’efficacité hydrique des processus industriels et miniers du groupe. La chimie étant un secteur particulièrement gourmand en eau, l’OCP a repensé l’ensemble de ses technologies afin de minimiser la consommation tout en garantissant un niveau de production optimal.
Le deuxième axe repose sur la Recherche & Développement (R&D). L’OCP Green Water investit massivement dans des technologies innovantes pour atteindre une gestion plus performante et durable de l’eau. Ces efforts se traduisent par des solutions avancées qui permettent de réduire l’empreinte hydrique des installations industrielles du groupe.
Le troisième pilier de cette stratégie concerne le recours aux sources non conventionnelles. Dès 2012, le groupe a lancé ses premières stations de dessalement et de traitement des eaux usées, un projet qui s’est accéléré en 2022 avec la création de OCP Greenwater. Ce programme ambitionne de produire 560 millions de mètres cubes d’eau non conventionnelle d’ici 2027, grâce à un investissement total de 40 milliards de dirhams. «Deux réalisations inédites à l’échelle mondiale sont à noter : la mise en place de 80 millions de mètres cubes d’eau dessalée en 18 mois et la mise en place d’unités de dessalement de 60 millions de mètres cubes en 7 mois», a-t-elle souligné.
Grâce à ce programme, l’OCP alimente déjà plusieurs villes marocaines en eau potable :
• Safi : 15 millions de m³
• Jorf Lasfar, El Jadida et Essaouira : 30 millions de m³
• Casablanca Sud : 60 millions de m³
• Bientôt El Jadida : 10 millions de m³
À horizon 2025, Marrakech sera également alimentée à hauteur de 80 millions de m³ par an, grâce à un pipeline de 214 kilomètres destiné à transporter l’eau d’urgence vers la zone de Jorf Lasfar.
Par ailleurs, l’OCP déploie un vaste programme de stations de traitement des eaux usées à Safi, Youssoufia, Benguerir et Jorf Lasfar, avec une ambition claire : diversifier les usages de l’eau récupérée en soutenant à la fois les besoins industriels et l’irrigation agricole. Environ un tiers de ce programme est ainsi dédié au secteur agricole, en partenariat avec le ministère de l’Eau.
109 entreprises impliquées dans des projets de traitement des eaux
Cette stratégie ne repose pas uniquement sur des initiatives internes. L’OCP s’appuie sur un modèle de collaboration renforcé avec les acteurs institutionnels et les entreprises locales. Quelque 109 entreprises marocaines ont été impliquées dans ces projets, représentant 66% du Capex total, un signal fort quant à l’impact économique national de ces investissements. «En tant que leader national de production d’eau de sources non conventionnelles, nous sommes un catalyseur de solutions adaptées aux défis hydriques du Maroc», a insisté Lamia Hosni.
ILS ONT DIT
Hicham Seffa, président du directoire du groupe BMCI :«L’objectif aujourd’hui est de créer une dynamique forte autour de la durabilité, un sujet qui devient de plus en plus crucial pour notre monde en mutation, notamment face aux défis posés par le changement climatique. Les conventions signées avec la BERD et d’autres partenaires sont cruciales pour offrir des solutions de financement adaptées aux projets durables, et pour garantir que les entreprises marocaines puissent se financer tout en respectant les critères de durabilité.»
Loic Jaegert-Huber, directeur régional d’Engie Afrique du Nord :«Le Sustainable Finance Forum 2025 concerne aussi bien les banques locales et internationales que le tissu des entreprises, qu’elles soient petites, moyennes ou grandes. Les solutions de décarbonation abordées incluent la production d’énergie durable, l’efficacité énergétique des bâtiments, la mobilité, la gestion des déchets, et bien sûr, la gestion du stress hydrique. L’eau, qui est une ressource extrêmement importante au Maroc, est au cœur des préoccupations, notamment avec des solutions innovantes de dessalement renouvelable que nous développons chez Engie, particulièrement dans le sud du Maroc.»
Zakaria Soukri, Head of Corporate Banking à la BMCI :«Les entreprises marocaines ont un réel potentiel aujourd’hui pour attirer des investissements, être compétitives, tout en décarbonant leur industrie. Sans cela, la durabilité de l’industrie marocaine est sérieusement compromise.»
«Il y a un enjeu climatique majeur au Maroc. Les entreprises marocaines doivent impérativement décarboner leurs activités, sinon elles risquent de se retrouver exclues du marché international à cause de l’évolution des normes environnementales.»
Lamiae Benmakhlouf, directrice générale du Technoparck :«Le Technopark est fier d’avoir soutenu le Green Tech Roadshow et d’avoir vu émerger des startups innovantes dans le secteur des technologies vertes. Cela démontre le potentiel du Maroc pour mener des actions concrètes en matière de durabilité et d’innovation.»
Hicham Seffa : «Il faut aller plus loin et encourager toutes les banques à adopter les standards de la finance durable»
Le Matin : Cette deuxième édition du Sustainable Finance Forum marque-t-elle un tournant par rapport à la première ?
Hicham Seffa :
Oui, absolument. La première édition en 2022 était une introduction pour affirmer notre engagement en faveur de la finance durable. Cette année, nous avons approfondi les débats et réuni un panel d’experts, de décideurs publics et de chefs d’entreprises. Nous avons abordé des thématiques essentielles comme la décarbonation, la gestion de l’eau et l’entrepreneuriat féminin.
Pourquoi ces trois thématiques en particulier ?
La décarbonation est aujourd’hui une nécessité économique et environnementale, notamment avec l’instauration prochaine de la taxe carbone au Maroc. La gestion de l’eau est un enjeu majeur dans un pays en stress hydrique permanent. Quant au business féminin, c’est un levier de développement incontournable, et nous avons voulu mettre en avant les avancées et les défis liés à l’intégration des femmes dans le tissu économique.
Le secteur bancaire accompagne-t-il suffisamment cette transition ?
Le secteur bancaire joue un rôle central, mais il y a encore du chemin à faire. Chez BMCI, nous avons intégré des critères ESG (environnementaux, sociaux et de gouvernance) dans nos décisions de crédit. Nous avons également signé des conventions avec la BERD (Banque européenne pour la reconstruction et le développement) pour faciliter le financement des entreprises engagées dans la transition verte. Mais il faut aller plus loin et encourager toutes les banques à adopter ces standards.
Le financement durable est souvent perçu comme une contrainte par les entreprises. Comment les convaincre de s’engager ?
C’est une question d’opportunité plutôt que de contrainte. Pour les exportateurs, ne pas se conformer aux normes de décarbonation signifie perdre l’accès aux marchés européens. Pour les entreprises locales, investir dans la transition énergétique peut améliorer leur compétitivité et leur rentabilité à long terme. Nous devons davantage sensibiliser et accompagner les entreprises pour qu’elles intègrent ces enjeux dans leur stratégie.
BNP Paribas, maison-mère de BMCI, a pris des engagements forts en faveur du développement durable. Cela influence-t-il votre stratégie au Maroc ?
Bien sûr. BNP Paribas s’est engagée dès 2010 à sortir progressivement du financement des énergies fossiles et d’autres secteurs polluants. Cet engagement se reflète dans notre approche au Maroc, où nous privilégions le financement des projets alignés avec les objectifs de développement durable.
L’évolution de la conjoncture internationale, avec le retour en force des énergies fossiles, pourrait-elle remettre en question cette orientation ?
Non, notre position est claire. La transition énergétique est un mouvement de fond, et nous ne reviendrons pas en arrière. Les incertitudes politiques et géopolitiques ne doivent pas nous détourner de l’objectif à long terme qui est d’assurer un avenir plus durable pour les générations futures.
La taxe carbone prévue pour 2026 au Maroc est-elle une bonne initiative ?
Oui, elle est nécessaire pour aligner le Maroc avec les normes internationales. Mais elle doit s’accompagner de mesures incitatives pour les entreprises, notamment des allégements fiscaux et des solutions de financement adaptées. Il faut un écosystème favorable pour accélérer la transition.
BMCI prévoit-elle déjà une troisième édition du Sustainable Finance Forum ?
Oui, nos équipes vont commencer à travailler sur l’édition 2027. Nous réfléchissons à diversifier les villes hôtes pour toucher d’autres régions et valoriser des territoires en transition écologique.
Un dernier mot sur l’édition de cette année…
C’était une édition réussie avec la présence de décideurs de premier plan, dont les ministres Nizar Baraka et Ryad Mezzour, ainsi que Chakib Alj, président de la CGEM. Cela montre que la finance durable est un sujet d’intérêt national. Nous espérons continuer à mobiliser les acteurs économiques pour faire de la transition énergétique un moteur de croissance pour le Maroc.