En 2025, les États-Unis contrôlent plus de 75 % de la puissance de minage mondiale, une domination aussi impressionnante qu’inquiétante. Derrière les discours pro-Bitcoin de Washington, une question grandit : et si la décentralisation venait de perdre sa plus grande bataille ? On en parle dans l’Analyse Cryptique, après les actualités essentielles à retenir cette semaine.
Bloc 1 : Les actualités essentielles
BlackRock étend l’usage de la blockchain à un fonds monétaire de 150 milliards de dollars
BlackRock explore un nouveau cas d’usage de la blockchain : le géant de la gestion d’actifs veut enregistrer une copie miroir des parties de son fonds BLF Treasury Trust Fund (TTTXX) sur un registre distribué. Ces « partages DLT » seront accessibles via BNY Mellon, mais ne seront pas des tokens à proprement parler. L’enregistrement officiel restera hors chaîne. L’objectif : tester la transparence et la traçabilité offertes par la technologie, tout en conservant l’infrastructure traditionnelle. Un minimum de 3 millions de dollars sera requis pour les investisseurs institutionnels. Ce mouvement s’inscrit dans la vision de Larry Fink, qui considère la tokenisation comme le futur des marchés. BlackRock rejoint ainsi Fidelity et d’autres acteurs majeurs dans la tokenisation des bons du Trésor, un marché qui dépasse déjà 6 milliards de dollars, dominé par Ethereum .
Trump Media envisage une cryptomonnaie utilitaire pour son écosystème numérique
Trump Media & Technology Group planche sur un nouveau projet crypto . Dans une lettre envoyée à ses actionnaires, la société évoque le lancement d’un token utilitaire pour Truth Social et ses services associés. Ce jeton pourrait d’abord servir à payer les abonnements à la plateforme de streaming Truth+, avant d’être intégré à d’autres services. Donald Trump détient 50 % de Trump Media, qui multiplie les projets liés aux actifs numériques : portefeuille Truth.Fi, partenariat avec Crypto.com pour lancer des ETF, ou encore la création d’un stablecoin via World Liberty Financial, dirigé par ses fils. Ce nouveau token s’ajoutait à l’écosystème déjà controversé du TRUMP , une cryptomonnaie détenue en grande majorité par le président, utilisée pour promouvoir des événements exclusifs. Une stratégie crypto qui, si elle renforce son influence dans le secteur, soulève aussi des critiques sur ses intérêts personnels.
BlackRock écrase tout avec son ETF Bitcoin : près d’un milliard de dollars en une journée
L’ETF Bitcoin spot de BlackRock ( IBIT ) vient de signer sa deuxième meilleure performance depuis son lancement, avec 970,9 millions de dollars d’entrées nettes ce lundi 28 avril. Une bouffée d’air pour le marché, après des mois de sorties continue. Alors que la plupart des concurrents ont encore vu des retraits – Ark Invest et 21Shares en tête avec 226,3 millions de dollars de sorties – BlackRock a tiré l’ensemble du marché vers le haut. L’IBIT détient désormais 3,02 % de tous les bitcoins en circulation, ce qui place le géant de la gestion d’actifs juste derrière Satoshi, Coinbase et Binance. Côté Ethereum également, BlackRock reste solide : il est le seul à avoir enregistré des entrées nettes (67 millions de dollars) sur les ETF ETH spot. Un leadership écrasant, qui confirme sa domination dans l’univers des crypto-actifs tokenisés.
Tether détient 7,7 tonnes d’or physique, et nargue ses concurrents
Tether muscle son image de stabilité : l’émetteur du stablecoin XAUT annonce dans son dernier rapport trimestriel détenir 7,7 tonnes d’or physique — soit environ 770 millions de dollars. Chaque jeton XAUT est adopté à une fois troy d’or stockée en Suisse, confirmée par plus de 246 500 fois de garanties. Ce niveau d’exigence a permis à Paolo Ardoino, PDG de Tether, de tacler la concurrence, qu’il accuse de s’appuyer sur de « l’or papier » bien moins fiable. L’annonce intervient alors que les banques centrales – notamment celles des BRICS – achètent massivement du métal jaune, dans un contexte de défiance croissante envers le dollar. Le rapport, conforme aux règles du Salvador, souligne la stratégie de Tether : bâtir un écosystème adopté à des actifs tangibles, et renforcer sa position face à des rivaux jugés moins transparents.
Bloc 2 : L’Analyse Cryptique de la semaine
Le paysage du minage de Bitcoin vient de basculer. Selon une étude publiée par le Cambridge Center for Alternative Finance (CCAF) , les États-Unis concentrent désormais 75,4 % de la puissance de calcul mondiale du réseau Bitcoin . Une domination écrasante, matérialisée par 600 exahashs par seconde sur un total planétaire de 796 EH/s – Un exahash par seconde (EH/s) équivaut à 1 milliard de milliards (10¹⁸) de calculs de hachage par seconde, et mesure la puissance de calcul mobilisée pour miner ou sécuriser le réseau Bitcoin.
Ce chiffre record pose une question dérangeante : la première monnaie vraiment décentralisée de l’histoire est-elle en train de retomber dans les griffes d’un pouvoir unique ?

Concentration du minage de Bitcoin
CCAF
Howard Lutnick, ancien patron de Cantor Fitzgerald et aujourd’hui secrétaire américain au Commerce, n’y voit, lui, que des opportunités. Lors d’une interview accordée à Bitcoin Magazine, il n’a pas mâché ses mots : « Bitcoin, c’est comme l’or. Une matière première. » Dans cette vision, bitcoin n’est pas seulement un actif numérique : c’est un pilier stratégique. Sous l’impulsion de l’administration Trump, les États-Unis veulent devenir la première superpuissance Bitcoin de la planète. Lutnick a même esquissé les contours d’un plan industriel : via l’Accélérateur d’investissement du Département du Commerce, les mineurs américains peuvent désormais construire leurs propres centrales électriques privées pour alimenter leurs fermes de serveurs. L’Amérique n’achète plus du pouvoir : elle le fabrique.
Le fantôme chinois ressurgit… mais à l’envers
Ce basculement rappelle un précédent pas si lointain. Jusqu’en 2021, la Chine régnait sur le minage de Bitcoin, concentrant 65 à 75 % du taux de hachage mondial – une mesure de la puissance de calcul totale utilisée par l’ensemble des mineurs du réseau pour valider les transactions et sécuriser la blockchain.

Taux de hachage mondial de Bitcoin
Glassnode
Puis est lieu la grande interdiction de juin 2021 : les fermes se sont vidées, le taux de hachage a chuté de moitié en quelques semaines, provoquant un mini-krach sur le marché. Mais comme souvent avec Bitcoin, la douleur a enfanté la renaissance. En moins d’un an, le réseau avait rebondi de 130 %. L’interdiction chinoise, censée affaiblir Bitcoin, n’a fait que le rendre plus fort.
Aujourd’hui pourtant, la même vulnérabilité ressurgit… mais en rouge, blanc et bleu (et c’est pas la France). Une concentration aussi massive aux États-Unis pose un risque systémique : que se passerait-il si une future administration américaine décideit de retourner cette puissance contre le réseau ? Contrairement à la Chine, les États-Unis ne banniraient pas Bitcoin — ils pourraient chercher au contrôle de l’intérieur. Censureur des transactions. Imposer des réglementations draconiennes. Ou pire, manipulez le réseau pour des motifs géopolitiques.
Un filet de sécurité fédéral ?
La structure institutionnelle américaine offre heureusement un contrepoids. Le pouvoir est fragmenté entre Washington et les États. Les bastions du minage, comme le Texas ou le Dakota du Nord, pourraient s’opposer frontalement à toute tentative fédérale de prise de contrôle. Là-bas, Bitcoin n’est pas seulement une innovation technologique : c’est un outil économique majeur, créateur d’emplois et de valeur.
De plus, la doctrine économique de Trump elle-même pourrait potentiellement protéger Bitcoin. Depuis la saisie des réserves russes en 2022, beaucoup de nations ont pris leurs distances avec les actifs en dollars. L’administration Trump, consciente de ce risque, semble désormais privilégier les tarifs douaniers aux sanctions financières. Cette évolution réduite, mécaniquement, l’arsenal de censure monétaire que pourrait utiliser un futur gouvernement contre Bitcoin.
Rester vigilants dans l’euphorie
Mais l’industrie Bitcoin serait bien naïve de baisser la garde. L’histoire l’a prouvée : les gouvernements apprennent. Si la Chine est brutalement interdite, un futur pouvoir américain pourrait choisir une voie plus subtile : réglementer, contrôler, étouffer à petit feu. Ce ne serait plus une attaque frontale, mais une prise d’otage lente et méthodique. Dans ce scénario, une trop forte concentration du minage deviendrait une faiblesse, non une force.
Un tournant historique
À 75,4 % de domination américaine — même ramenée prudemment à 50 % pour tenir compte des marges d’erreur — Bitcoin est à un carrefour historique. Doit-il continuer à s’appuyer sur l’énergie industrielle américaine ? Ou doit-il au contraire redéployer son réseau à l’échelle mondiale, comme un véritable actif sans frontière ?
Howard Lutnick rêve d’une Amérique moteur du Bitcoin. Mais pour que Bitcoin reste Bitcoin, il faudra sans doute un peu plus qu’une seule bannière pour protéger son essence.
Le pouvoir de mineur, mais pas de régner
Avec 75 % du hashrate mondial désormais concentré aux États-Unis, une question brûle toutes les lèvres : qu’est-ce qu’un tel pouvoir permet vraiment de faire ? Et surtout, jusqu’où peut-il aller sans détruire le réseau qu’il prétend dominer ?
Techniquement, les mineurs américains disposent d’un levier de contrôle redouté : la censure sélective. En refusant d’inclure certaines transactions dans les blocs qu’ils valident, ils pourraient imposer une forme de filtrage économique ou géopolitique. Une transaction envoyée depuis une adresse « blacklistée » ? Oubliée. Un transfert jugé suspect par les autorités ? Ignorer. Cette censure douce ne casserait pas Bitcoin, mais elle en ralentirait certaines zones, rendant les transactions concernées plus lentes, plus chères, voire dissuasives.
Ce scénario n’est pas une dystopie de science-fiction : il existe déjà des précédents. Des pools de minage ont par le passé bloqué certaines transactions liées aux protocoles DeFi jugés sensibles, ou aux portefeuilles ayant flirté avec les sanctions OFAC. Dans un réseau où la vitesse et la fluidité sont reines, cette pression invisible devient une arme silencieuse, mais puissante.
Mais la force brute ne suffit pas à changer les lois fondamentales de Bitcoin. Ce que Washington ne peut pas faire — même avec 75 % du hashrate — c’est réécrire le protocole. Les règles de Bitcoin ne se modifient pas à coups de décrets. Elles sont défendues par des milliers de nœuds complets éparpillés aux quatre pièces du globe, qui vérifient chaque bloc et valident les règles. Si les mineurs tentaient de créer une version modifiée de Bitcoin, sans consensus des nœuds, ils se retrouveraient seuls dans une bifurcation sans valeur : un fork mort-né.
Impossible, aussi, de voler des fonds. Sans la clé privée, aucune transaction ne peut être falsifiée. Les mineurs peuvent ordonner le trafic, pas falsifier les titres de propriété. Et même une attaque à 51 % — en théorie possible — se heurterait à une réalité brutale : elle coûterait une fortune et détruirait la confiance dans Bitcoin, y compris pour ceux qui auraient initié l’attaque. Miner du Bitcoin ne donne pas le droit d’en ruiner la valeur.
Finalement, les mineurs américains détiennent un pouvoir d’influence, pas un sceptre absolu. Le danger vient moins d’un coup d’État frontal que d’une érosion lente, d’une captation subtile. Rendre certaines transactions moins fluides. Favoriser certains usages. Orienter l’infrastructure plutôt que la loi. C’est dans ces marges grises que le combat pour la neutralité de Bitcoin se jouera.
Bloc 3 : Tops et Flops
Palmarès des cryptomonnaies
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Zonebourse
Bloc 4 : Cours de la semaine
Les véritables gagnants de la frénésie de Trump Memecoin ( Wired, en anglais)
Il a construit une usine de mèmes. At-il fait fortune en vendant ses propres shitcoins à l’adolescence ? (Filaire, en anglais)