Alors que l’ex-Chief Executive Officer (CEO) de la Mauritius Investment Corporation (MIC), Jitendra Bissessur, a retrouvé la liberté provisoire hier après six jours de détention, Jhamille Couveline, head valuation officer d’Elevante Property Services Ltd, a été arrêté sous la section 43 de la Financial Crimes Commission (FCC) Act pour «fraud by abuse of position».
Ce tournant majeur dans l’enquête découle de la saisie d’e-mails échangés entre la MIC et Elevante Property Services Ltd, notamment au sujet de l’évaluation de l’hôtel Ambre. Ces correspondances, récupérées lors d’une descente à la MIC le 5 avril, ont permis de faire avancer l’enquête sur des malversations financières estimées à Rs 300 millions.
Après six jours de détention en cellule policière, l’ex-CEO de la MIC, Jitendra Bissessur, a été conduit hier en cour de Port-Louis Sud hier où il a recouvré la liberté provisoire contre deux cautions de Rs 300 000 et une reconnaissance de dette de Rs 5 millions. Il était retourné à la Financial Crimes Commission (FCC) pour une enquête approfondie, en compagnie de son avocat, Mᵉ Shyam Servansingh. Cette audition survient suite à des échanges de mails obtenus après une descente effectuée à la MIC le samedi 5 avril. Sona avocat a expliqué que, vu son état de santé, son client coopère pleinement avec les autorités en fournissant des informations et témoignages importants.
Le «head valuation officer» d’Elevante Property Services Ltd arrêté
Parallèlement, les enquêteurs ont perquisitionné les bureaux d’Elevante Property Services Ltd jeudi dernier. Cette société avait réalisé trois évaluations immobilières pour le compte de la MIC dans le cadre du rachat d’actions d’Apavou Hotels Ltd. Un des rapports, officiellement daté de mai 2024, aurait été antidaté à janvier 2024 – une falsification qui soulève de sérieuses interrogations. Interrogé under warning vendredi dernier, Jhamille Couveline avait d’abord affirmé avoir uniquement collaboré sur les aspects techniques de l’évaluation. Cependant, les enquêteurs s’intéressent désormais aux altérations de dates et cherchent à identifier la ou les personnes responsables de ces manipulations. Hier, Couveline s’est présenté de nouveau à la FCC, cette fois accompagné de son avocat, Mᵉ Neelkhant Dulloo. Il a été arrêté.
Des doutes émergent sur la proximité entre la MIC et Elevante, qui a reçu de gros contrats de la MIC. Les enquêteurs ont aussi auditionné un représentant d’Elevante, qui a confirmé que Couveline, leur évaluateur senior, avait été licencié. La MIC, rappelons-le, détenait des actifs de Rs 82 milliards en juin 2024, dont Rs 7,4 milliards en investissements immobiliers évalués par Elevante.
«Modus operandi» de l’achat
En décembre 2022, une évaluation de l’entreprise Ambre a été faite, avec une estimation de sa valeur à Rs 3 milliards. L’offre initiale prévoyait que la MIC acquière une participation de 70 % dans l’East Coast de la part d’Apavou Hotels Ltd, pour un prix de Rs 2,1 milliards, le solde de 30 % étant détenu par Sun Ltd. Cette évaluation a été réalisée par Elevante Property Services Ltd, qui a estimé la valeur d’East Coast à environ Rs 3 milliards. Cette proposition a été présentée au comité d’investissement de la MIC le 6 décembre 2022 et celui-ci a recommandé l’investissement au conseil d’administration, sous réserve de conditions. Cependant, lors de la réunion du conseil d’administration du 22 décembre 2022, le président du conseil, Mark Florman, a suggéré que tous les membres du conseil examinent à nouveau la proposition et en discutent à la réunion suivante. Cette proposition a figuré à l’ordre du jour de la réunion du conseil prévue en janvier 2023, mais elle n’a pas été discutée à ce moment-là.
En janvier-février 2023, la MIC a recommandé l’acquisition d’Apavou à Rs 2,4 milliards, basée sur cette première évaluation. Un an plus tard, en janvier 2024, Jitendra Bissessur a reçu un e-mail d’Armand Apavou, le propriétaire principal d’Apavou Hotels Ltd, faisant référence à des discussions précédentes et à une proposition de vente de la participation de 70 % dans East Coast pour un montant de 48 millions d’euros. Cette proposition a été approuvée à l’unanimité par le conseil d’administration après des discussions, lors d’une réunion présidée par Kona Yerokunondu, alors first governor de la Banque de Maurice. En février 2024, le board a validé la proposition d’acquisition, qui comprenait l’achat de 1 596 actions de classe B d’East Coast Hotel Investment Ltd représentant 70 % du capital social. Cette approbation a été suivie d’une deuxième évaluation de la valeur d’East Coast, effectuée à la fin de janvier 2024, estimant la valeur à Rs 3,5 milliards.
Les membres du «board» responsables sous l’article 143 de la «Companies Act 2001»
Une question majeure se pose sur la présentation de l’offre d’Armand Apavou en euros, soit 48 millions d’euros, alors qu’une conversion de 70 % de la valeur de Rs 3,5 milliards de roupies aurait donné un montant de Rs 2,4 milliards. Cela soulève des interrogations sur la manière dont la proposition de Bissessur comme CEO a pu induire le board en erreur en utilisant des euros, au lieu de roupies. Lors de son premier interrogatoire, Jitendra Bissessur a nié avoir commis une faute, mais les enquêteurs cherchent à comprendre pourquoi les membres du conseil d’administration du MIC, tels que Louis Rivalland et les anciens gouverneurs adjoints de la Banque de Maurice, Mardayah Kona Yerokunondu et Hemlata Sadhna Sewraj-Gopal, ainsi que Neemalen Gopal, Ragan Swaminathen, Swadicq Nuthay, n’ont pas converti la proposition en roupies. Les enquêteurs de la FCC soupçonnent une négligence de leur part, en contravention avec l’article 143 de la Companies Act 2001. Celui-ci «defines the powers and responsibilities of the auditor, which enable the auditor to assess and comment upon the company’s financial soundness position»