Dans son livre-enquête “Le Cube rouge” (Flammarion), la journaliste d’investigation Claire Marchal dénonce les dérives de l’enseignement supérieur privé à but lucratif à travers Galileo, le leader du secteur, accusé de faire du profit au détriment des étudiants. Les ministres de l’Éducation, Élisabeth Borne, et de l’Enseignement supérieur, Philippe Baptiste, qui ont reçu lundi 10 mars le président du groupe Galileo, ont annoncé dans la foulée qu’une inspection interministérielle serait missionnée « pour une plus grande transparence du fonctionnement des établissements d’enseignement supérieur privés à but lucratif ».
Pourquoi vous êtes-vous intéressée à ce sujet et en particulier au groupe Galileo ?
C’est vrai qu’on observe depuis pas mal d’années une croissance des effectifs étudiants dans l’enseignement supérieur privé. En quinze ans, les effectifs ont doublé, et surtout, ils ont doublé principalement grâce au développement du privé lucratif. Et puis, il y a eu la réforme de l’apprentissage en 2018, qui a ouvert les vannes des fonds publics à destination du privé. Donc ça méritait vraiment qu’on s’y intéresse. J’ai voulu comprendre quels étaient les grands groupes dominants, et j’ai découvert que Galileo Global Education est le premier en France. Très vite, en enquêtant, j’ai reçu des témoignages et eu accès à des documents internes qui m’ont poussée à concentrer mon enquête sur ce groupe.
Que veut dire “école privée à but lucratif” ?
Il y a plusieurs types d’écoles privées. Certaines sont non lucratives, comme HEC, par exemple, et puis il y a celles à but lucratif, qui sont des entreprises avec des objectifs de rentabilité. Ce qui m’a marquée, c’est que ces groupes sont détenus par des fonds d’investissement, avec des objectifs de rentabilité très élevés. Ce n’est pas un mal en soi, mais la pression financière conduit à des dérives : baisse de la qualité de l’enseignement, conditions de travail dégradées, conditions d’études déplorables pour les étudiants.
Les langues se sont-elles facilement déliées pour témoigner ?
Oui et non. Beaucoup avaient très peur de parler, notamment les étudiants, parce que leur diplôme est leur carte de visite. Dans les écoles, on leur dit clairement : “Si vous critiquez l’école, ça va vous nuire.” Mais malgré ces peurs, j’ai aussi eu beaucoup de témoignages spontanés, parce que les gens avaient besoin de parler. Ils étaient en souffrance, ils avaient besoin d’être entendus. Depuis la sortie du livre, j’ai reçu une bonne centaine de nouveaux témoignages. Beaucoup me disent : “Merci, je me rends compte que je ne suis pas seul, que ce n’est pas que moi, que c’est un système.”
Vous décrivez un outil central, “Le Cube”, qui incarne ce système. Pouvez-vous expliquer ?