Il n’y aura pas eu de suspense. La chambre haute, forte d’une alliance entre la droite et les centristes qui soutient le gouvernement, a validé en première lecture, jeudi 23 janvier, le projet de loi de finance (PLF) pour 2025 porté par le Premier ministre François Bayrou, indique BFMTV.
Le texte a été largement adopté à 217 voix contre 105. Sans surprise, le Parti socialiste, pour qui « le compte n’y est pas », les écologistes et les communistes n’ont pas voté en sa faveur. « Nous avons passé une étape, il en reste beaucoup d’autres », a tout de même apprécié la ministre du Budget Amélie de Montchalin. « Ce qui est important dans ce budget, c’est qu’il marque le début de la réduction d’une phase de déficit excessif », a renchéri le ministre de l’Economie Eric Lombard, saluant un « tournant ».
Parcours. Pour le gouvernement de François Bayrou, menacé de censure il y a encore quelques semaines, il s’agit d’une première étape et d’un satisfecit à prendre avec des pincettes tant le parcours du projet de loi de finance est, jusqu’à présent, sinueux.
Elaboré à l’initiative de Michel Barnier en octobre, le texte a été rejeté par l’Assemblée nationale en première lecture puis suspendu en décembre dernier, après la chute du gouvernement Barnier, avant d’être repris en janvier par le gouvernement Bayrou.
Compromis. Le plus dur commence maintenant. Le texte va désormais poursuivre son parcours législatif. Il sera soumis, le 30 janvier, à une Commission mixte paritaire (CMP) composée de sept sénateurs et sept députés dont la mission sera d’accoucher d’un texte de compromis. Sans doute l’une des dernières occasions d’intégrer des concessions susceptibles de résister à la censure.
En cas de succès, ce texte commun doit ensuite passer le filtre de l’Assemblée nationale, dans la semaine du 3 février, pour un ultime vote ou l’utilisation éventuelle par le Premier ministre de l’article 49.3 qui permet de faire adopter un texte sans vote des députés en engageant la responsabilité du gouvernement.
Censure. Crucial pour l’Etat qui tourne actuellement au ralenti sous le régime exceptionnel d’une loi spéciale votée en fin d’année, le budget représente une équation quasi-insoluble pour l’exécutif, privé de majorité absolue à l’Assemblée nationale mais sommé par Bruxelles de redresser les finances publiques. Si le gouvernement espère pouvoir promulguer le budget avant fin février, l’opposition de la gauche reste très vive : si le Parti socialiste n’a pas voté la première motion de censure visant le Premier ministre François Bayrou, il accentue la pression sur les textes budgétaires.
« Le gouvernement doit se rendre compte qu’il n’y a rien d’acquis. La négociation n’est pas rompue mais nous avons besoin de signaux positifs. Or pour le moment, les signaux nous inquiètent », a expliqué le chef de file des sénateurs socialistes sur le budget, Thierry Cozic, raillant un « budget d’austérité ».
Réforme. Les concessions déjà accordées par M. Bayrou, comme la renégociation de la réforme des retraites, le renoncement aux suppressions de 4.000 postes d’enseignants ou le recul sur l’extension des jours de carence des fonctionnaires, ne semblent pas suffire au parti à la rose, dont une délégation a été reçue à Bercy mercredi soir.
Les tractations sont périlleuses, car l’exécutif vise un effort massif de 32 milliards d’économies et 21 milliards de recettes pour ramener le déficit public à 5,4% du PIB en 2025, contre un niveau attendu entre 6 et 6,1% pour 2024. De plus, la droite, majoritaire au Sénat et pivot à l’Assemblée nationale, n’entend pas se laisser voler la vedette, craignant de nouvelles hausses d’impôt cédées aux socialistes.
Finance. « Ce n’est ni le budget de Gabriel Attal, ni celui de Michel Barnier, ni celui de François Bayrou, c’est le budget du Sénat, un budget responsable », qui marque « le début d’un long chemin vers le redressement de nos finances publiques », a affirmé la cheffe de file du groupe LR sur le projet de loi de finances, Christine Lavarde.
Mais cette copie sénatoriale passera-t-elle le filtre de l’Assemblée nationale ? Si la CMP est conclusive, les députés seront saisis du texte commun dans la semaine du 3 février pour un ultime vote… Avec, potentiellement, l’utilisation du 49.3, sans doute suivie d’une nouvelle motion de censure.
Pression. « La CMP sera le juge de paix. D’ici au 30 janvier, il y a la possibilité de faire bouger les lignes », assume auprès de l’AFP le président des sénateurs PS Patrick Kanner. Mais le PS est aussi mis sous pression par ses partenaires: les Insoumis estiment que le parti à la rose « romprait définitivement » avec le Nouveau Front populaire s’il ne votait pas la censure sur le budget.
Particulièrement ciblées par la gauche: les multiples coupes budgétaires supplémentaires ajoutées ces derniers jours par le gouvernement Bayrou. Des centaines de millions d’euros en moins pour l’écologie, le logement, l’aide au développement ou le sport…
« On va voter la censure et on va le faire savoir très fortement », a menacé la patronne des Ecologistes Marine Tondelier, « en colère » face au « sacrifice de l’écologie ».
Antoine MAIGNAN
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