L’intelligence artificielle et le Bitcoin sont souvent présentés comme les symboles d’une innovation numérique gourmande en ressources. Pourtant, leur consommation énergétique, bien qu’importante, s’inscrit dans des dynamiques distinctes, souvent mal comprises. Une analyse précise des données permet de mieux cerner leur rôle réel dans les systèmes énergétiques actuels et futurs.
Le 16 avril 2025, Selectra a publié une étude comparative détaillant la consommation d’électricité de deux usages technologiques majeurs : l’intelligence artificielle (IA) et le Bitcoin. Ces chiffres alimentent les débats sur l’impact environnemental du numérique, à l’heure où les réseaux électriques mondiaux doivent s’adapter à des demandes nouvelles. Cette comparaison permet de clarifier les ordres de grandeur, tout en remettant en perspective les opportunités de transformation qu’offrent ces technologies dans le domaine énergétique.
L’intelligence artificielle : un moteur de croissance pour les réseaux électriques
La montée en puissance de l’IA repose sur des centres de données à très haute performance, qui nécessitent une alimentation électrique continue et stable. Selon les données croisées de Selectra et de l’Agence internationale de l’énergie (AIE), la consommation électrique des data centers pourrait atteindre environ 945 TWh d’ici 2030, soit l’équivalent de la demande annuelle du Japon.
Cette évolution s’explique par l’essor de l’IA générative, qui mobilise des capacités de calcul exponentielles pour entraîner et faire fonctionner des modèles linguistiques, des outils de traitement d’image ou encore des systèmes d’optimisation industrielle. Le développement de ces infrastructures stimule la demande d’électricité et appelle une réponse coordonnée des acteurs du secteur énergétique.
Les pays producteurs, comme la France, y voient une opportunité. EDF a lancé en mars 2025 plusieurs initiatives pour accueillir des data centers à proximité de ses infrastructures nucléaires et hydrauliques, dans une logique de consommation locale bas-carbone. Cette stratégie s’inscrit dans un objectif plus large de modernisation du mix énergétique, avec un accent mis sur l’électrification de nouveaux usages.
Bitcoin : une consommation bien identifiée, mais une finalité plus ciblée
Le réseau Bitcoin repose sur un protocole de validation décentralisé (preuve de travail) qui nécessite une puissance de calcul constante. Cette architecture implique un usage électrique continu, évalué à environ 188 TWh par an à l’échelle mondiale en 2025. Ce niveau, relativement stable ces dernières années, représente environ 0,7 % de la consommation mondiale.
À la différence de l’IA, le Bitcoin n’a pas vocation à se diffuser dans tous les secteurs économiques. Sa consommation reste concentrée dans des installations spécifiques, appelées “fermes de minage”, souvent localisées là où l’énergie est abondante et peu coûteuse. Certains États comme le Pakistan ont même intégré l’exploitation de cryptomonnaies dans leur politique énergétique, en réaffectant leur excédent de production électrique vers ces usages.
Le caractère prévisible de la consommation du Bitcoin permet d’envisager une intégration ciblée dans les systèmes électriques, notamment en complément des énergies renouvelables intermittentes.
Optimisation et opportunités : le rôle systémique de l’intelligence artificielle
Au-delà de sa consommation propre, l’IA est aussi un outil pour optimiser la production et la distribution d’électricité. Elle permet d’ajuster la charge, d’anticiper les pics de demande, de gérer la maintenance prédictive et de renforcer la résilience des réseaux face aux aléas climatiques. Ces fonctionnalités sont aujourd’hui déjà testées dans plusieurs pays européens.
L’IA pourrait également accélérer l’innovation dans le stockage énergétique, la gestion de la production photovoltaïque et le pilotage des systèmes hybrides. Ces perspectives font de l’intelligence artificielle un levier technologique à part entière dans la transition énergétique.
Les besoins croissants des data centers, bien que réels, peuvent être maîtrisés par des mesures d’efficacité énergétique et un encadrement adéquat. La mutualisation des ressources informatiques, le développement de technologies de refroidissement moins consommatrices, ou encore la territorialisation de la production (proximité entre centres et sources électriques) sont autant de pistes explorées par les industriels.
Un point commun : l’attention aux ressources critiques
Que ce soit pour l’IA ou le Bitcoin, la demande en semi-conducteurs, composants électroniques et infrastructures numériques dépend de ressources minérales spécifiques (gallium, cobalt, lithium). La concentration géographique de ces ressources, notamment en Chine, soulève des enjeux géopolitiques et industriels.
La sécurisation de ces chaînes d’approvisionnement constitue un défi commun aux deux secteurs. Elle nécessite un effort d’investissement et d’anticipation de la part des gouvernements et des industriels. En parallèle, la filière européenne des semi-conducteurs tente de structurer une offre plus autonome, moins vulnérable aux tensions internationales.