Brun, d’origine indienne, quadragénaire avec le style vestimentaire d’un ado de 14 ans : voilà pour la description physique. Également complètement frappadingue – ça, c’est pour l’analyse psy. Son nom est Balaji Srinivasan – sa fortune, elle, est immense. Ancien élève de Stanford, l’homme fait partie de la caste des petits génies au portefeuille gargantuesque de la Silicon Valley. Pourquoi « génie » ? Car des idées, ce type en regorge. Et non seulement il en regorge, mais en plus, elles sont toutes excellentes ! Prenez sa dernière en date. Au début du mois de mars, Balaji – comme toutes les rock stars, il est principalement connu sous son prénom uniquement – a, une nouvelle fois, montré qu’il méritait sa réputation : « Il existe un moyen simple de reconstruire l’industrie manufacturière aux États-Unis : il suffit de donner à Elon Musk le contrôle d’une vaste bande de terre autour de Starbase [lieu au Texas où se trouve la base de SpaceX, propriété de Musk, ndlr], au Texas, et lui permettre d’établir toutes les réglementations qu’il souhaite. » écrit-il sur X.
Un fief pour le seigneur Musk donc, rien que ça. Et Balaji ne s’arrête pas là. Dans ce même post, il nous donne toutes les clés pour pouvoir y arriver. Première étape essentielle : supprimer toutes les réglementations existantes, car « l’Amérique a du talent. Ce qu’elle n’a pas, ce sont des réglementations bienveillantes, notamment en matière de droit du travail et de droit de l’environnement. Mais le président Trump et le gouverneur Abbott du Texas peuvent utiliser des décrets pour supprimer les lois obsolètes au niveau des États et au niveau fédéral. ». Ensuite, donner à Musk, « un entrepreneur qui a fait ses preuves », un max de thunes. Vient ensuite le volet sécuritaire : comment protéger l’homme le plus riche de la planète ? Simple comme bonjour : « il faut designer le terrain comme une base militaire ». Une fois ces éléments mis en place, ne reste plus qu’une chose à faire : foncer. Le but de Balaji ? « La chose la plus importante qu’ils pourraient construire serait peut-être la production en série d’humanoïdes Tesla, qui (en cas de succès) pourraient à leur tour construire tout le reste. » Qu’entend-il par le reste ? Il suffit de lire la suite de son super plan : reproduire ce genre de zones spéciales un peu partout aux États-Unis et les distribuer à d’autres génies milliardaires.
L’État et le portefeuille en réseaux
La création de cité-État non réglementée n’est évidemment pas une idée de Balaji. À vrai dire, ce fantasme est une marotte dans la Silicon Valley, terre de libertariens assumés qui s’estiment constamment freinés par la démocratie. Du Groenland au Honduras, plusieurs d’entre eux essayent d’ores et déjà d’instaurer ces « pays-entreprises ». Mais, Balaji, lui, n’est pas comme les autres. Déjà parce que cette idée lui trotte dans la tête depuis longtemps maintenant. En 2013, l’homme s’était ainsi rapproché de Curtis Yarvin, un blogueur américain à l’origine du mouvement des « Lumières sombres » et figure de proue de cette mouvance anti-État. Et, contrairement à d’autres qui avancent masqués, Balaji aime à crier sur tous les toits la nécessité, selon lui, de rompre avec tout gouvernement. En 2022, il autoédite un ouvrage intitulé L’État en réseau : comment démarrer un nouveau pays. Dedans, il exhorte ses lecteurs à créer des « États réseaux », des villes et États autonomes, financés uniquement par des communautés numériques. Un an plus tard, en septembre 2023, il suggérait, l’air de rien dans un podcast, de corrompre les forces de l’ordre pour les empêcher d’appliquer les réglementations en vigueur envers les entreprises du secteur de la tech.
Une soif d’autocratie qui pourrait faire passer le type pour un pathétique entrepreneur en quête de buzz sur les réseaux sociaux. Du moins, avant l’Amérique de Donald Trump. Mais l’ère a changé et J.D. Vance, le vice-Président du pays lui-même est un aficionado de cette mouvance. D’autant que Balaji a des arguments de poids pour plaire au monstre à deux têtes qui gère le pays : son portefeuille. Fondateur d’une société de tests ADN, Balaji l’a revendu en 2007 pour la modique somme de 375 millions de dollars. Devenu ensuite associé chez Andreessen Horowitz, la société de capital-risque la plus connue de la baie de San Francisco, celui que Trump voulait nommer dans son administration lors de son premier mandat a continué à innover principalement dans le secteur des cryptomonnaies.
Aujourd’hui blindé jusqu’à l’os de Bitcoin, Balaji a décidé de transmettre son savoir en ouvrant, il y a quelques mois, une école en Malaisie, plus précisément à Forest City, une zone économique spéciale destinée à attirer les riches Chinois. Baptisée The Network School, l’école vise à accueillir tous les frappadingues intéressés par le développement de « nations en réseau » et de « pays décentralisés ». Selon le média américain Wired, les 150 étudiants sélectionnés doivent répondre à trois critères : admirer les valeurs occidentales, croire que le Bitcoin est le futur et préférer croire l’IA plutôt que les tribunaux et autres juges humains. Pas de doute, cela promet un beau diplôme à la clé.