Quatre ans se sont écoulés depuis l’invasion de l’Ukraine
par la Russie et en dépit du soutien de l’Europe à Kiev et des sanctions économiques
à l’encontre de Moscou, l’Occident contribue pourtant à financer à hauteur de
centaines de milliards d’euros son ennemi déclaré.
Vladimir Poutine peut continuer à miser sur les recettes des
combustibles fossiles pour financer sa guerre: depuis le début de l’invasion,
le pétrole et le gaz vendus aux Occidentaux ont rapporté à la Russie trois fois
plus d’argent que l’Ukraine n’a reçu d’aide de ses alliés.
Au total, ces hydrocarbures représentent près d’un tiers des
recettes publiques russes et plus de 60% des exportations du pays. Si l’Union
européenne a interdit les importations de pétrole brut et de charbon russes par
voie maritime, ce n’est pas encore le cas du gaz, bien que Bruxelles vienne d’appeler
à mettre fin à ces importations d’ici à… 2027.
Au 29 mai 2025, la Russie avait généré plus de 883 milliards d’euros
en exportations de combustibles fossiles depuis le début de l’invasion, dont 209
milliards provenant des États membres de l’UE, selon les chiffres du Centre de
recherche sur l’énergie et l’air pur (CREA).
Depuis que l’Ukraine a suspendu en début d’année le gazoduc Bratstvo,
qui fournissait l’Europe depuis la Russie en passant par le territoire envahi,
l’Europe s’est tournée vers la Turquie, avec TurkStream, qui traverse la mer
noire et opère depuis 2020. En janvier-février 2025, l’importation de gaz russe
vers l’Europe, acheminé via la Turquie, a augmenté de 26,77% par rapport au volume
de l’année passée.
Une stratégie perdante
Pour Kaja Kallas, la haute représentante de l’Union
européenne pour les Affaires étrangères et la Politique de sécurité, l’Europe a
renoncé à imposer «les sanctions les plus sévères», craignant une
escalade du conflit et constatant que l’achat du pétrole et du gaz russes
était «moins cher à court terme».
Mai Rosner, la responsable de campagne du groupe de pression
Global Witness, estime que «de nombreux gouvernements ne souhaitent pas
réellement limiter la capacité de la Russie à produire et à vendre du pétrole.
Les craintes quant aux conséquences pour les marchés mondiaux de l’énergie sont
bien trop fortes. Il existe une limite à partir de laquelle les marchés de
l’énergie seraient trop affaiblis ou trop perturbés.»
En plus des ventes directes, la Russie peut compter sur des recettes
tirées du raffinement pétrolier: en Turquie et en Inde, des raffineries
traitent du pétrole brut russe sous sanction –parfois mélangé avec du pétrole d’une
autre provenance– pour le revendre ensuite aux pays de l’UE, ce que Vaibhav
Raghunanda, analyste CREA, considère comme une faille permettant le «blanchiment»
par un pays tiers de ce pétrole sanctionné.
Alors que plusieurs responsables politiques estiment que les
sanctions et les plafonnements des prix du pétrole ne fonctionnent pas de façon
satisfaisante ni efficace, la présidence de Donald Trump, favorable au régime
de Vladimir Poutine, fait peser une pression supplémentaire sur l’Ukraine. Le plan
avancé par le nouveau président des États-Unis, selon lequel une baisse des
prix du pétrole par l’OPEP permettrait de mettre un terme à la guerre, est bien
loin de convaincre les experts comme les puissances engagées.
Plusieurs experts plaident ainsi pour appuyer les sanctions
à l’égard de la Russie. Interrogé par la BBC, Vaibhav Raghunanda estime ainsi que «50%
des exportations de gaz naturel liquéfié [GNL] sont destinées à l’Union
européenne, et seulement 5% de la consommation totale de GNL de l’UE en 2024
provenait de Russie. Par conséquent, si l’UE décide de couper complètement
l’approvisionnement en gaz russe, cela nuira bien plus à la Russie qu’aux
consommateurs de l’Union européenne.»