La finance durable a été mise à rude épreuve ces derniers mois, notamment à cause de la résurgence d’une rhétorique anti-écologique au sud de la frontière. Malgré certains reculs, les organisateurs du Sommet sur la finance durable — événement qui tiendra sa cinquième édition à Montréal mardi — assurent que le secteur reste tenace.
« Il y a un certain nombre de vents contraires qui commencent à souffler sur la finance durable », reconnaît d’emblée Florian Roulle, vice-président de Finance Montréal, en entrevue au Devoir. Mais la crise climatique et environnementale n’a pas disparu pour autant, s’empresse-t-il d’ajouter.
Geneviève Morin, p.-d.g. de Fondaction, admet elle aussi qu’« il y a actuellement des pressions » qui pèsent contre le secteur. « On ne peut pas faire semblant, faire comme si de rien n’était », dit-elle.
Plus récent revers en date : fin avril, les autorités financières canadiennes ont suspendu leur projet de règlement visant à obliger les entreprises canadiennes cotées en Bourse à dévoiler des informations relatives aux changements climatiques, comme leurs émissions de gaz à effet de serre, dans leurs résultats.
La raison invoquée ? Les « bouleversements rapides et majeurs » de l’ordre économique et géopolitique mondial dans le contexte des « événements récents survenus aux États-Unis ». En d’autres mots, la guerre commerciale tous azimuts du président Donald Trump et sa promesse de déréglementation du secteur des énergies fossiles créent trop d’incertitude.
Autre récent coup dur pour la finance durable, la Banque Royale du Canada a annoncé il y a quelques jours à peine qu’elle renonçait à plusieurs de ses engagements climatiques. La plus grande institution bancaire canadienne a justifié ce recul par souci de conformité aux nouvelles règles contre l’écoblanchiment, prévues dans la Loi sur la concurrence.
Des façons de faire qui s’ancrent
En dépit de ces reculs, Florian Roulle et Geneviève Morin s’accordent à dire qu’il y a des raisons de demeurer optimiste. « Au départ, quand le président Trump a été élu, notre premier réflexe, ç’a été de penser qu’on devrait se cacher et continuer notre travail, mais plus discrètement », souligne Mme Morin.
« Mais maintenant, on dirait qu’on devient de plus en plus galvanisés. Ce n’est pas du wokisme, ce n’est pas de la politique. C’est scientifique », croit-elle.
La scène financière montréalaise demeure « très mobilisée », constate lui aussi M. Roulle. « Quand on regarde les classements internationaux, il y a quelques années encore, Montréal était à la trentième position des places financières vertes et durables à l’échelle mondiale. On est passés à la dixième position mondiale et à la première en Amérique du Nord », souligne-t-il.
Même sans obligation de divulguer leurs efforts environnementaux, des entreprises et des institutions financières continuent de faire des progrès, souligne Mme Morin. Par exemple, les petites ou moyennes entreprises qui veulent diversifier leurs chaînes d’approvisionnement en Europe doivent se conformer à la réglementation du Vieux Continent, qui est plus exigeante en matière environnementale.
Selon elle, les soubresauts actuels sont passagers, mais la tendance de fond demeure, et les obligations de divulgation finiront tôt ou tard par arriver. « J’aimerais que ça aille plus vite, mais j’aime mieux que ce soit un peu plus long, mais solide, et que les gens puissent s’y fier », fait valoir Mme Morin.
Le Sommet de la finance durable aura lieu au complexe New City Gas à Montréal et s’étendra sur trois jours, de mardi à jeudi. Environ 1000 participants sont attendus, et plus de 80 panélistes seront présents.