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Le secteur financier au centre du dispositif de transition verte. |
Ces dernières années, Madagascar a connu une progression notable dans le domaine de la finance verte. Divers programmes et projets ont été lancés pour accélérer la transition vers une économie équitable, neutre en carbone et positive pour la nature.
Les autorités et les différentes parties prenantes dans le domaine du développement durable s’activent pour donner une nouvelle dimension et une efficacité plus probante au secteur de la finance verte dans le pays. À noter que cette dernière est présentée comme étant le lien entre les systèmes financiers et les écosystèmes. Le secteur financier étant qualifié de pièce maîtresse dans le dispositif de transition vers une économie plus verte. Ainsi, divers projets ont été initiés dans ce sens et impliquent de nombreux partenaires techniques et financiers.
C’est dans ce cadre que l’organisation internationale WWF, à travers le programme Greening Finance Initiative (GFRI), mène des recherches et travaille avec les pouvoirs publics, les régulateurs, les banquiers centraux, les banques, les investisseurs et les assureurs en fournissant des renforcements de capacité et des outils pour les engager à intégrer les risques et des opportunités environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) dans leurs processus de prise de décisions en matière d’investissements, de politique monétaire et de gestion des risques.
On sait en outre que plusieurs initiatives sont entreprises pour augmenter les flux financiers vers des activités ayant un impact positif sur l’environnement et la société, en démontrant la rentabilité financière de modèles d’affaires et d’investissements qui génèrent des impacts positifs pour la nature et les communautés. On privilégie également les solutions financières durables permettant de catalyser les investissements dans des entreprises qui soutiennent des services écosystémiques vitaux comme la pureté de l’air et de l’eau, la production alimentaire ou la stabilité du climat.
Le ministère de l’Environnement et du Développement Durable (MEDD) souligne que dans les programmes mis en œuvre, le concept va au-delà de l’aspect purement financier. « Il s’agit avant tout de se doter d’un outil politique et décisionnel essentiel pour orienter les flux financiers vers des projets à faible impact environnemental et à fort potentiel de durabilité», a-t-on indiqué avant de noter que cette approche vise à aligner les objectifs financiers avec les objectifs de développement durable, permettant ainsi de maximiser l’impact positif sur l’environnement tout en assurant des rendements financiers viables à long terme.
Des lignes de crédit pour les banques
Ce même département tient aussi à faire savoir que des normes, des réglementations et divers moyens sont mis en place pour encourager les financements responsables, tels que les obligations vertes, les prêts à faible émission de carbone et les fonds d’investissement socialement responsables. Ces initiatives attirent l’attention des investisseurs sur les opportunités offertes par la transition vers une économie verte.
De son côté, Sunref Madagascar, financé par l’Agence Française de Développement (AFD) et soutenu par l’Union Européenne, fait figure de pionnier en lançant une offre financière spécifique et innovante et des supports techniques. D’après les explications fournies, elle comprend une ligne de crédit mise à la disposition des banques partenaires, avec des conditions de partenariats privilégiées pour le financement d’investissements verts. Il y a également une assistance technique pour les entreprises et les banques pour les accompagner dans l’identification des opportunités d’investissement dans les domaines ciblés, le montage et le suivi des projets des investissements et la sélection des technologies les mieux adaptées.
Pour Sunref, la finance verte représente aujourd’hui un défi majeur auquel l’AFD apporte sa contribution. On sait en outre que c’est Solidis, établissement financier connu surtout pour ses garanties aux PME malgaches, qui a été missionnée, en 2021, pour opérationnaliser le programme d’assistance technique, en qualité de maître d’ouvrage. Parmi les banques bénéficiaires, on peut citer la BNI Madagascar, SG Madagasikara (devenue BRED Madagascar BP) et MCB Madagascar. Concernant les investissements réalisés, nombreux ont été orientés dans les énergies renouvelables à l’image de la centrale solaire du groupe Phael Flor Export installée à Moramanga.
Un bilan carbone à améliorer
Les initiatives telles que le Fonds pour l’Environnement Mondial (FEM) et le Fonds Vert pour le Climat (GCF) ont investi plusieurs millions de dollars américains dans divers projets à Madagascar, notamment pour multiplier les solutions de financement au profit de la préservation des forêts et la promotion des énergies renouvelables. Côté bilan carbone, on constate aussi que les initiatives commencent à se multiplier. La société opérant dans le secteur de la vanille, Norohy, vise par exemple la neutralité carbone full scope en 2025. L’entreprise affirme avoir préparé une stratégie de compensation carbone qui tient compte, entre autres, de la possibilité de rachat de crédits carbone issus de projets environnementaux menés à Madagascar.
La zone du programme de réduction des émissions, conclu avec la Banque mondiale, couvre actuellement 10 % du territoire malgache. Elle s’étend sur près de 7 millions d’hectares le long des écorégions de la forêt humide de l’est du pays, qui abrite plus de la moitié des forêts pluviales riches en biodiversité du pays. Mais il existe d’autres programmes de moindre envergure qui se mettent en place. En outre, le gouvernement et les parties prenantes ont mis en place l’Autorité Nationale Désignée (AND) du mécanisme de développement propre (MDP) qui sont chargés d’évaluer et d’approuver la participation aux projets dédiés.
La structure mise en place est composée d’un bureau permanent qui siège auprès du ministère de l’Environnement et du Développement durable. Pour Madagascar, les secteurs éligibles pour le marché carbone sont l’agriculture, les déchets, l’énergie, les forêts, le transport et l’énergie. De nouvelles procédures et dispositions sont en cours de mise en place pour permettre au pays de participer aux nouveaux mécanismes de marché. Mais si dans d’autres pays, les bilans carbone sont devenus des paramètres qui conditionnent à la fois l’obtention de prêts à taux préférentiels aux entreprises en même temps que des références pour afficher leurs engagements environnementaux, ce n’est pas encore le cas à Madagascar. Seuls quelques entreprises, souvent de grande taille, ont mis en place une véritable politique d’empreinte carbone.
De nouveaux mécanismes expérimentés
Les entités impliquées dans le développement de solutions de financement vert sont de plus en plus disposées à initier de nouvelles approches. C’est le cas de la Fondation pour les Aires Protégées et la Biodiversité de Madagascar (FAPBM) qui a, entre autres, expérimenté le mécanisme de financement offset appelé également opération de compensation. La Fondation a ainsi été choisie par la compagnie minière QIT Madagascar Minerals (QMM) pour gérer son premier programme de compensation pour un montant initial de 300 000 USD.
Dans ce cadre, la filiale de Rio Tinto lui a délégué en 2021 la gestion financière et le suivi de son programme offset. Le bénéficiaire de l’opération est Agnalazaha, une aire protégée située dans le Sud-Est du pays et gérée par Missouri Botanical Garden (MBG). À travers ce fonds offset, QMM a financé l’aire protégée afin de compenser les impacts négatifs résiduels de ses projets après que des mesures d’évitement et de réduction aient été prises. La FAPBM, en tant que gestionnaire financier, a été en charge du suivi des impacts.
Et ce programme a fait que la Fondation est devenue la pionnière en Afrique du mécanisme de financement offset. Lors de différents échanges, à l’instar de celui avec Biofund, fonds fiduciaire de conservation basé au Mozambique, la FAPBM n’a cessé de donner des éclairages sur la question de l’essor des industries extractives en Afrique et les nécessités des mécanismes de compensation à mettre en place. Explication a été donnée qu’à Madagascar, le programme est réalisé de manière volontaire par les deux plus grands opérateurs miniers du pays. Pour la FAPBM, la compensation en biodiversité constitue un des mécanismes innovants qui mobilisent le secteur privé à cofinancer des aires protégées ou d’autres activités relatives à la conservation de la biodiversité.
Par ailleurs, une étude a été menée par Bangor University sur les efforts de la mine d’Ambatovy pour parvenir à réduire les pertes de biodiversité. Suite à cette initiative qui a donné lieu à un webinaire organisé par le programme baptisé COMBO+ de l’organisation WCS et le Groupe thématique IMEC (Atténuation de l’Impact et Compensation Ecologique) de l’Union International pour la Conservation de la Nature (UICN), la FAPBM a partagé sa vision sur les perspectives du mécanisme de compensation usuel des industries extractives et, plus globalement, de développement de l’écosystème de la finance verte. Elle a soutenu que les offsets de biodiversité sont le dernier recours lorsque les mesures d’évitement, de réduction ou de restauration ne peuvent être appliquées.
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La Grande île compte encaisser 50 millions USD de crédits carbone. |
Pour le MEDD, le financement issu de la Facilité pour la Résilience et la Durabilité (FRD) du Fonds Monétaire International (FMI) constitue un levier puissant pour accélérer les efforts de réforme et renforcer la résilience du pays face aux risques climatiques et autres chocs qui impactent sur son environnement. À travers ce dispositif, Madagascar s’engage dans un programme ambitieux visant à stabiliser l’économie tout en intégrant les enjeux climatiques dans les politiques publiques et les investissements stratégiques.
Le FRD repose sur cinq axes prioritaires : renforcer la gouvernance climatique, intégrer la résilience dans tous les secteurs, limiter les émissions de gaz à effet de serre, préserver nos forêts et notre biodiversité, et mobiliser des financements durables pour le climat. Ces actions s’appuient sur des études approfondies réalisées par les partenaires, notamment le FMI et la Banque mondiale, et s’inscrivent dans la vision de faire de Madagascar un modèle de durabilité et d’innovation en matière de développement.
Le ministère indique que la révision du décret MECIE (Mise en Compatibilité des Investissements avec l’Environnement) marque aussi l’engagement des autorités à aligner les investissements économiques sur des objectifs environnementaux ambitieux. Ce cadre législatif intègre désormais les défis contemporains, tels que le changement climatique, la perte de biodiversité et les risques sociaux. Les principales améliorations sont basées notamment sur l’intégration des nouveaux enjeux mondiaux sur le plan écologique. Elles imposent une réévaluation et un réajustement constants des politiques et des pratiques environnementales, afin de mieux faire face à ces enjeux, de répondre aux défis actuels et de garantir la durabilité des écosystèmes et de l’environnement.
Enfin, le MEDD note que l’intégration de l’évaluation environnementale et sociale stratégique (EESS) constitue une avancée notable. L’EESS est un processus permettant de prendre en compte les considérations environnementales, sociales et climatiques dans l’élaboration de politiques, de plans et de programmes. Ce nouveau cadre prévoit l’implication, dans la mise en œuvre de l’évaluation environnementale, des différentes parties prenantes tant publiques que privées, en l’occurrence les collectivités territoriales décentralisées, les structures locales de concertation, les Komity Loharano, les services techniques déconcentrés, les districts, les organisations de la société civile, les communautés locales y compris les hommes et les femmes vulnérables.
Max Andonirina Fontaine, ministre de l’Environnement et du Développement durable (MEDD)
« Nous favorisons les mesures visant à stimuler les financements verts tout en soutenant une économie circulaire. Par ailleurs, la création d’un fonds public national pour l’environnement permettra de soutenir des initiatives de conservation, de restauration des écosystèmes et de promotion de l’économie verte. L’objectif est d’assurer un développement durable, inclusif et résilient pour Madagascar ».
Ony Rakotoarisoa, DG de Madagascar National Parks (MNP)
« Pour le maintien et la continuité des actions de conservation, il est important d’assurer la sécurisation des ressources financières nécessaires à travers la diversification des partenariats et la recherche de financements innovants. Cela s’accompagne par la mise en place d’une gestion efficace et responsable des aires protégées ».
l’Express de Madagascar