Des hauts et des bas. Si les fluctuations, beaucoup à la hausse, et un peu à la baisse, du cours du bitcoin ne changent pas grand-chose au prix de la baguette ou au pouvoir d’achat des Français, l’évolution de cette monnaie virtuelle pourrait bien bouleverser l’économie mondiale.
En 2024, le bitcoin a surfé de record en record : sa valeur a atteint le palier des 50 000 euros en février. Puis en novembre, nouvelle étape historique à 80 000 euros, jusqu’à atteindre les 100 000 euros en décembre – +100 % en dix mois. Le retour de Donald Trump, très favorable aux cryptomonnaies, devait soutenir son envolée, même si sa valeur varie autour des 95 000 euros ces derniers jours.
Valeur refuge pour certains pays
Depuis sa création en 2008, le bitcoin a connu de brusques envolées et des crashes spectaculaires, ponctués en 2022 par la faillite retentissante de FTX, la seconde plateforme mondiale d’échange de cryptomonnaies. Des épisodes qui ont alimenté sa réputation de monnaie instable et risquée.
« Les cryptomonnaies n’ont pas d’autre intérêt que la spéculation », reconnaît Jonathan Herscovici, fondateur de StackinSat, courtier en bitcoins installé à Biarritz. « Les gens s’y précipitent pour se faire de l’argent facile et, souvent, ils finissent par tout perdre parce que ce ne sont pas les petits investisseurs qui ont le plus à y gagner. Contrairement à l‘ethereum ou l’XRP, le bitcoin a été conçu pour servir de monnaie. Son cours a été très fluctuant, mais sa volatilité diminue. Il en est au stade de l’adolescence et tend à se stabiliser. D’ici cinq à dix ans, ce sera une valeur de référence. »
Le bitcoin est déjà devenu un refuge dans certains pays, où la monnaie nationale a été malmenée par de violentes inflations. Le Nigéria, l’Argentine ou les Philippines ont délaissé le dollar, forcément lié à la politique américaine, pour favoriser les échanges en bitcoin, jugé plus stable que le naira ou le peso. Le Salvador et la Centrafrique l’ont officialisé comme monnaie nationale.
42 % de la population au Nigéria utilisent ou détiennent des bitcoins. Alors que seulement 5 % des Français sont aujourd’hui concernés.
Statista
Les signaux faibles se multiplient désormais dans les pays plus développés. En Europe, la Bourse de Stuttgart et la plus grande banque italienne, Intesa Sanpaolo, ont annoncé acheter des bitcoins. La banque centrale tchèque pourrait aussi suivre le mouvement lancé par Donald Trump aux États-Unis. Le président américain, entouré de technophiles très favorables aux « cryptos », envisage la constitution d’une réserve nationale de bitcoins, pour commencer, avec les 207 189 bitcoins (20 milliards d’euros) saisis par la justice américaine. Les États-Unis sont déjà le premier pays au monde à posséder autant de bitcoins. À terme, l’objectif serait de convertir 5 % du trésor américain.
« C’est un peu fou que les États-Unis en soient là. Le bitcoin est réellement entré dans la cour des grands », assure David Pucheu, chercheur en sciences et technologies à l’université de Bordeaux. « Il y a eu le temps de l’invention, dans les années 2000, le temps de l’innovation, sur plusieurs années, et désormais, c’est le temps du consensus qui se dessine. L’appropriation du bitcoin tend à renforcer son usage monétaire. Si les États-Unis et des institutions financières l’intègrent au système financier mondial, cela va forcément accélérer son adoption par le grand public. »
Prévisible ou inconnu total ?
« Un cataclysme positif, qui va contribuer à stabiliser le bitcoin et à le hisser au statut d’étalon monétaire mondial au même titre que l’or, estime Jonathan Herscovici. Aujourd’hui, les réserves stratégiques des États sont réparties en devises étrangères et en or. La France est d’ailleurs le quatrième pays au monde qui possède le plus d’or (2 437 tonnes). Mais les monnaies fluctuent, et l’or est « figé ». Dans le monde numérique de 2025, le bitcoin a l’avantage d’être transportable, divisible à l’infini. Et contrairement à ce que l’on croit, il est prévisible. » Tous les quatre ans, le nombre de bitcoins produits est réduit de moitié, ce qui fait mécaniquement augmenter la valeur de ceux déjà créés. « Le bitcoin, à terme, deviendra rare, exactement comme l’or. »
Certains experts imaginent déjà le bitcoin coller à terme la valeur de l’or. La très sérieuse banque anglaise Standard Chartered annonce un bitcoin à 250 000 euros en 2025. « Mais c’est l’inconnu total », prévient David Pucheu. La Banque centrale européenne, fervente partisane de la régulation, travaille à la création de sa propre monnaie numérique. Les institutions financières attendent de voir ce qu’il se passe concrètement aux États-Unis. « Si Amazon accepte les paiements en bitcoins, ça changera clairement la donne. »
Mais qu’est-ce qu’un bitcoin ?
Le bitcoin est une monnaie numérique, c’est-à-dire de l’argent qui n’existe que sur Internet. Contrairement aux euros, il n’est pas géré par un gouvernement mais par un système informatique appelé « blockchain » qui enregistre toutes les transactions. Les échanges, sécurisés, se font en dehors des systèmes financiers et bancaires traditionnels.