Au-delà des leçons tactiques que pourront tirer les écoles de guerre de Saint-Cyr à West Point, le conflit éclair de juin 2025 entre Israël et l’Iran révèle une réalité stratégique d’un autre ordre : la guerre moderne se gagne — ou se perd — aussi sur le terrain financier. Pendant douze jours, deux puissances aux économies fragilisées se sont affrontées dans une logique de destruction mutuelle coûteuse, sinon absurde. Et si la supériorité aérienne israélienne n’a jamais été remise en cause, la capacité de l’Iran à frapper au cœur du territoire ennemi a déplacé le centre de gravité de cette guerre vers une nouvelle réalité : celle d’une résilience budgétaire mise à rude épreuve.
Israël, habitué à des campagnes militaires rapides et chirurgicales, a découvert la facture d’une guerre de longue portée. Selon le général de réserve Re’em Aminach, ancien conseiller financier de l’état-major israélien, les seules dépenses militaires ont atteint 1,45 milliard de dollars sur les deux premiers jours. En rythme quotidien, ce sont 725 millions de dollars qui partaient en fumée entre mobilisation de la réserve, interception de missiles et frappes ciblées. Le coût global du conflit, estimé par le ministre des Finances Bezalel Smotrich à 12 milliards de dollars, pourrait néanmoins être inférieur selon le gouverneur de la Banque centrale, Amir Yaron, qui avance un chiffre plus prudent, autour de 6 milliards.
À ces montants colossaux s’ajoutent les dommages directs : la raffinerie de Haïfa paralysée jusqu’en octobre, le prestigieux institut Weizmann partiellement détruit, Rehovot et sa banlieue sud transformés en terrain de cratères, sans compter les indemnisations déjà chiffrées à 10 milliards de shekels (2,5 milliards d’euros) par l’administration fiscale. La facture globale, selon plusieurs sources internes, pourrait aisément dépasser les 40 milliards de shekels, soit plus de 9,5 milliards d’euros. Une charge insoutenable pour une économie dont le déficit budgétaire 2025 était déjà plafonné à 4,9 % du PIB (27,6 milliards de dollars), et dont la prévision de croissance a été revue à la baisse : 3,6 % contre 4,3 % initialement.
En face, l’Iran paie un prix humain et économique encore plus lourd. Avec 640 morts — majoritairement civils — et plus de 4 000 blessés, le coût humain du conflit dépasse les bilans habituels. Économiquement, les estimations oscillent entre 24 et 35 milliards de dollars de pertes directes et indirectes, soit entre 6 et 9 % de son PIB, selon Andreas Krieg, analyste de la défense. L’impact est double : les installations nucléaires ont été endommagées durablement, et les exportations de pétrole — artère vitale du pays — ont été touchées, ralentissant toute perspective de reprise. À cela s’ajoutent les pertes matérielles infligées à Israël, estimées à plus de 3 milliards de dollars selon Bloomberg, dont une partie en compensation aux entreprises locales.
Dans ce théâtre de censure et d’intox où les deux camps revendiquent la victoire, il ne reste qu’une certitude : cette guerre n’aura aucun vainqueur sur le plan économique. La résilience des peuples ne masque pas l’effondrement des équilibres budgétaires. La maîtrise de l’espace aérien et la précision balistique n’ont pas suffi à éviter l’embolie financière. Plus que jamais, la guerre de demain se jugera sur les soldes budgétaires, le crédit souverain, et la capacité à restaurer l’investissement productif.
Israël a vu ses fondamentaux économiques vaciller, malgré sa supériorité militaire. L’Iran, lui, a prouvé sa capacité de nuisance stratégique, au prix d’un affaiblissement structurel durable. Si les canons se sont tus, les comptes, eux, continuent d’égrener les milliards. La guerre de la finance ne fait que commencer.